Le découvreur de la grotte Cosquer réclame une "récompense" à l'Etat.L'unique grotte sous-marine au monde ornée de peintures paléolithiques, la grotte Cosquer, est l'objet d'une bagarre juridique entre l'Etat et le plongeur qui l'a découverte il y a seize ans dans les calanques de Marseille, Henri Cosquer, soucieux aujourd'hui d'en retirer un bénéfice financier.
Jeudi, le tribunal administratif de Marseille examine une requête du scaphandrier professionnel qui, après avoir donné son nom à la grotte, entend obtenir du ministère de la Culture une "récompense" pour sa découverte.
La grotte Cosquer est située dans les Calanques, près de Marseille, au cap Morgiou. Elle est accessible par un tunnel long de 175 mètres dont l'entrée est à 37 mètres de fond.Unique au monde, cette grotte sous-marine abrite plusieurs dizaines d'oeuvres peintes et gravées il y a environ 27 000 et 19 000 ans.
Le ministère la lui a refusée en 2003. C'est ce refus qu'il attaque devant le tribunal administratif.
Une décision en sa faveur accroîtrait ses chances d'obtenir ultérieurement satisfaction contre Nicolas Hulot et TF1, qu'il a parallèlement attaqués devant le tribunal de grande instance de Marseille.
Le plongeur leur réclame un million d'euros au titre de l'exploitation qui a été faite des images de la grotte dans le magazine "Ushuaia" en 2003 et des bénéfices commerciaux qu'ils ont retirés d'une émission vue par des millions de téléspectateurs. En 2004, le TGI a sursis à statuer sur cette demande, dans l'attente d'une décision définitive de la justice administrative.
Les débats devant le tribunal administratif risquent d'être très techniques. L'avocat du plongeur Me Mathieu Jacquier met en avant la loi sur l'archéologie préventive de 2001 qui, dans un de ses décrets d'application, prévoit que l'"inventeur" d'une découverte archéologique immobilière "peut bénéficier d'une récompense dont le montant et la nature sont fixés par le ministère de la Culture, après avis du conseil national archéologique". Il réclame que le ministère fournisse une évaluation de "l'intérêt archéologique" du site.
Le ministère a refusé, arguant de la non-rétroactivité de la loi.
Car c'est en 1991, dix ans avant cette loi, que les richesses de la cavité sous-marine, aujourd'hui classée monument historique, ont été révélées: plus de 400 peintures et gravures rupestres y ont été répertoriées - l'une vieille de 27.000 ans a été la plus ancienne au monde jusqu'à la découverte de la grotte Chauvet (Ardèche) en 1994 - des mains négatives, des chevaux, bisons, aurochs, et même des pingouins et des phoques. La représentation d'un homme, tué d'une lance, est jugée exceptionnelle par les spécialistes.
A l'époque glaciaire où les peintures ont été faites, on pouvait accéder à pied sec à la grotte. Le réchauffement climatique et la fonte des glaces ont placé son entrée à 37 mètres sous l'eau. L'entrée est aujourd'hui scellée.
Pour Me Jacquier, le montant de la "récompense" n'est pas en cause. "S'il y avait une prime symbolique, ça serait bien", déclare-t-il, en expliquant qu'Henri Cosquer se bat pour l'utilisation future qui sera faite des photos et films tournés dans la grotte et sur lesquels l'Etat est seul à "toucher des royalties".
"L'Etat refuse car il risque de devoir indemniser non seulement Cosquer mais les découvreurs de la grotte Chauvet, et pourquoi pas de Lascaux, chaque fois qu'il touchera sur les photos" de ces sites", assure l'avocat.
Henri Cosquer, 57 ans, regrette aujourd'hui d'avoir "amené un gros cadeau" sur lequel il n'a aucun droit: "J'avais qu'à rester tranquille, ne rien dire à personne".